Femmes Sahraouis

Publié le par nawel

FEMMES SAHRAOUIS : Poussières matriarcales 






Dans les communautés sahraouies, la place de la femme est protégée par des traditions séculaires. Elle est au centre de la famille et du foyer, jouit du respect de tous et est considérée comme un ancrage social et une promesse de pérennité. C’est elle qui préside à la succession au sein d’un univers où les hommes jouent leur rôle de protecteurs et de serviteurs de ces dames.

Ce n’est pas le mode de vie matriarcale, mais nous n’en sommes pas loin. La femme sahraouie a une place de choix dans une communauté où elle est pratiquement le centre vital. Tout tourne autour d’elle. Elle régit les choses du quotidien, gère sa famille, veille sur le bien-être de tous, dans une harmonie où les prérogatives de chacun sont définies par des traditions et des lois ancestrales: «C’est une place importante qu’occupe la femme dans la communauté sahraouie. Il y a un véritable sens du respect qui n’est de l’ordre du respect entre deux êtres, mais une façon de donner à la femme un statut très élevé qui en fait non seulement l’égal de l’homme, parce qu’elle l’a toujours été dans les traditions sahraouies, mais parfois, c’est elle le nerf vital de la famille, son noyau indivisible. La femme est à coup sûr la garantie de la longévité d’une lignée», explique Hajiba Maalaâynine, journaliste sahraoui, d’une lignée pure souche du Sud marocain. Et de fait, plusieurs familles que nous avons rencontrées, issues de milieux sahraouies, ont la même approche de la place qu’occupe la mère, l’épouse ou la fille au sein de la famille.
«Ma mère a toujours été le centre de la famille et mon père nous a toujours appris à respecter les femmes. Il a toujours répété que c’est grâce à leur travail et à leur dévouement que les assises de la famille restent solides», souligne Amina R’guibi, une jeune étudiante de Casablanca. Les mêmes idées sont partagées par d’autres sahraouis qui ont pris conscience du rôle de la mère au sein de la famille.

Le sens de la liberté individuelle

Au-delà du travail qu’elle effectue, de son statut familial, la femme est une institution chez les Sahraouis: «Chez nous, aucun homme ne peut porter la main sur son épouse. C’est un acte banni et préjudiciable pour celui qui le fait. C’est une honte d’avoir des comportements aussi irrespectueux à l’égard des femmes. Sans oublier que pour nous, même en cas de divorce, la femme retourne chez elle, la tête haute. Elle est prise en charge non seulement sur le plan matériel, mais surtout psychologique. Tout le monde connaît les dégâts qu’occasionne une séparation, alors nous sommes, les frères et le père surtout, au petit soin avec la femme divorcée. Il faut qu’elle se sente chez elle, entourée et soutenue». Ce qu’explique ici Hassan. B, avocat à Rabat est la norme, et selon lui, les exceptions sont presque inexistantes tant la femme est considérée comme une valeur sans pareille. Le tableau peut sembler idyllique pour certains, mais ce n’est pas tout. D’autres choses étonnent encore plus : la femme est libre dans le sens strict du mot. Libre de ses choix que ce soit pour choisir un mari, voyager, quitter sa famille pour travailler, tenter de nouvelles expériences.

Liberté individuelle

L’esprit d’initiative est inculqué au bas âge pour justement «donner plus d’autonomie aux femmes qui, de ce fait, arrivent à se gérer et à décider pour elles-mêmes. Nous sommes une société de nomades à la base, les hommes partaient souvent et pour de longues durées, la femme se devait de prendre sa place», précise Hajiba Maalaâynine. Les pratiques du quotidien ne sont l’objet ni de préjugés, ni de conflits entre hommes et femmes: fumer, boire, sortir seule, ce sont là d’abord des droits fondamentaux de la femme. Dans toutes les grandes villes du Sahara, on peut rencontrer des femmes, par groupes de quatre ou cinq, marcher à trois heures du matin seules dans les rues.
Personne n’osera les molester, les importuner, ou même leur lancer un mot déplacé. «Nous avons la coutume tant connue de nous rassembler la nuit venue. On veille comme les hommes entre nous ou avec les autres membres de la famille. Tard dans la nuit, pour rentrer chez nous, il nous arrive de faire des kilomètres à pied dans la ville en toute sécurité. Ce sont là des règles de respect qui ont toujours droit de cité. Et ce n’est pas près de changer, tant mieux parce que ce sont là des preuves de maturité d’une société équilibrée», confie Ahmed. R, cadre dans une banque.
Ce sens de la liberté individuelle apparaît aussi sous d’autres manifestations culturelles. Que ce soit la littérature orale, le chant, la musique, la poésie… la femme prend des responsabilités identitaires fortes. Elle revendique son rôle, chante son statut, met au devant son indépendance. Le tout dans une fluidité de rapports qui laisse interdits de nombreux esprits bien-pensants, fendus de morale douteuse, qui n’arrivent pas à se faire à l’idée que la femme est un socle solide dans la société pour peu qu’on lui laisse la chance de s’épanouir et de s’assumer sans la moindre tutelle de bon ou mauvais aloi. 


Saïda Charaf
La chanson identitaire sahraouie


Elle est l’icône de toute une région du Maroc. Ses chansons ont fait le tour du pays et consacrent une femme qui, pour le moins, affirme une identité musicale à part. Déjà qualifiée d’ovni de la musique arabe, cette native de Laâyoune, est devenue une espèce de diva locale avec un cachet très particulier, un repértoire varié et une réelle identité musicale. Son parcours atypique lui a donné l’occasion de briller sans entrer dans aucun moule préétabli. Le tout reposant sur des acquis solides avec un Diplôme en littérature arabe et un parcours de journaliste pour la première chaîne espagnole TVE, Saïda Charaf a porté le Sahara aussi loin que sa jeune carrière le lui a permis. Elle a conquis l’Europe et le monde arabe avec une voix sereine et une grande aisance sur scène. Sûre d’elle, très décontractée, portée par une forte présence en tant que femme et chanteuse, son répertoire sahraoui et cherki (musique orientale) a marqué les esprits lors de son passage au Festival des musiques sacrées de Fès comme à celui de la musique nationale de Jordanie, où un hommage royal lui a été rendu. C’est dire la portée d’une telle façon de chanter où le politique se mêle au culturel dans un assemblage subtil, mais sans accrocs. Après avoir animé des soirées musicales sur les deux chaînes publiques marocaines, TVM et 2M, Saïda Charaf a connu un moment de grâce en décembre 2006, lors du concert de Jean-Michel Jarre organisé dans les dunes de Merzouga par l’Unesco. Elle fût accompagnée de l’Orchestre philharmonique national et de l’Orchestre moderne de musique arabe pour quelques morceaux de choix. Elle a aussi participé à la BO du film Kandicha, tourné à Marrakech par Jérôme Cohen Olivar et sort un album bien reçu par la critique.

 

source/Abdelhak Najib

Publié dans ARTS ET CULTURE

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